Père Albert,
J’aime me souvenir de ces moments passés chez nous à Chartres avec le Père Kim, à Lèves au bord de l’Eure ou aux Ateliers Loire, où votre rire et vos « saluts ! » joyeux et sonores emplissaient souvent de gaité le jardin ou la petite promenade en cours.
Ou encore les visites à Saint-Paul-de-Vence, à Saint-Eloi à Paris, aux Editions du Cerf. Et aussi à ces moments heureux à la maison de Catherine Labouré, où, secoué avec douce amitié et belle fermeté par le Père Kim, il fallait sortir au grand air, emmitouflé et coiffé d’un bonnet de laine noir. Nous vous roulions vers la Vierge dans le jardin, et là, devant elle, la vigueur de votre voix à travers les Ave Maria, en latin bien sûr comme à Rome, traduisait votre hommage de tendresse à Notre-Dame et nous entraînait à la paix de la prière toute confiante.
Mais il ne fallait pas non plus oublier le bon vin choisi avec qualité lorsqu’il s’agissait de fêter sérieusement un événement !
Et à Issoire ! Le Maire demandait au père Kim un petit discours d’introduction pour l’inauguration de son exposition dans la salle communale. Et ce dernier, comme souvent espiègle, a surpris l’auditoire ébahi en allant vous chercher pour l’accompagner à la tribune dans un bel hymne grégorien que vous avez chanté vivement dans le bonheur et la joie… avec quelques fausses notes dues au grand âge… Quel témoignage de liberté des enfants de Dieu en habits blancs !
J’ai aussi croisé votre regard, le vôtre bien souvent malicieux et interrogateur, confiant jusqu’à même être soumis dans un « ah bon ! » accompagné d’un geste de la main qui s’accorde et s’abandonne, non ambigu d’un oui. Le mien, souvent admiratif ou touché par votre simplicité, votre accueil, votre abandon à ceux qui vous soignaient.
Rien que le souvenir de vous avoir vu recueilli les yeux fermés et les mains jointes, et en même temps de vous savoir disponible sans délai au sursaut de la rencontre avec le prochain, cet éveil permanent en vous inspire en moi les présentes paroles. Souvent, j’ai pensé en vous voyant, que vous étiez déjà parmi nous un « bienheureux » !
A Ambert, quelques heures avant votre dernier souffle, comment ne pas « garder en moi » votre regard et votre rire, comme aussi il furent pour ceux présents à ces moments et à qui ce rire sans bruit était destiné. Bien plus qu’un sourire, presque une exultation. Ce rire heureux porté par vous, encore présent dans vos yeux à ce moment, rend témoignage en moi d’une confiance en l’avenir et d’une vie dépassant les doutes, d’une paix sage et simple reconnaissant l’existence accomplie, d’une joie humble et forte à partager avec qui que ce soit.
Merci père Albert, de votre vie transmise. Votre présence mystérieuse nous est chère et nous accompagne, par la grâce de l’Esprit-Saint.
Xavier Caquineau